Fr. Jean-Paul Barué (1927-2006)
Frère Jean-Paul a vécu un peu moins de deux années à Toulouse. Séjour court, mais il est resté cher aux coeurs des personnes qui nous partagent notre prière.
Mot d'accueil du frère Michel Caille lors de la messe d'inhumation.
Un article de la revue Frère du Monde de 1961.
Mot d'accueil à la messe d'inhumation célébrée dans la chapelle de la maison Sainte Elizabeth à St Palais.
Le 3 Mars 2005, la veille de notre départ pour notre chapitre provincial,
le fr. Jean Paul Barué quittait la fraternité de Toulouse pour
se rendre à St Palais, dans la maison Sainte Elizabeth.
L'air de Toulouse lui devenait par trop difficile à respirer. Parti pour
une période d'essai de 3 semaines, il a aimé se retrouver à
St Palais où il s'est senti mieux. Il a apprécié être
proche d'une communauté de sœurs franciscaines dont il connaissait
l'une ou l'autre, depuis son séjour à Bordeaux.
Et voici qu'un an plus tard, jour pour jour, le fr. Jean Paul Barué nous
quitte définitivement. Nous sommes heureux que vous soyez nombreux pour,
avec nous, accompagner le fr. Jean Paul jusqu'à sa dernière demeure.
Et dans un esprit franciscain qui lui était tellement cher confions le
au Seigneur qu'il a servi avec fidélité, désintéressement
et patience et courage jusqu'au bout. Nous sommes sûrs aussi qu'il vit
pleinement l'esprit de simplicité, de joie profonde qui caractérise
l'esprit franciscain et qui était le sien.
Fr. michel caille, ofm.
BARUE, Jean Etienne Marie Gustave, fr. Jean-Paul.
Né le 02/09/1927, à
Orléans (45 Loiret),
De Jean Marie Louis Gustave, et de Julie CHAMBALLU.
Baptisé en l'église Saint-Paterne d'Orléans, le 05/09 suivant.
Scolarisé : à l'Ecole libre de garçons de la rue Domremy,
n°20, à Paris {13e ar.) (certificat du directeur, 27/04/1938); et
à l'Ecole du Prieuré de Binson, à Port-de-Binson (51 Marne)
commune de Mareuil-le-Port (certificat du 20/10/1939).
II arrive à l'Ecole Saint-Antoine de Brive le 27/10/1939, après-midi,
et y passe prés de cinq ans, jusqu'au Baccalauréat 1ers partie
(été 1944), qu'il obtient avec Pierre Andissac (fr. Jean-Louis)
et Louis Soubise (fr. Bonencontre, puis fr. Louis, sorti de l'Ordre).
II prend l'habit franciscain à Pau,le 07/10/1944, avec les frères
Agnel Albarel, Gilles Pégurier et Henri-Joseph de Castelbajac; Louis
Soubise reçoit l'habit trois jours plus tard, le 10/10. Retiré
du Noviciat par sa famille ("Ablatus a familia sua") le 27/08/1945,
il reçoit une seconde fois l'habit franciscain l'année suivante,
le 20/09/1946; "dispensatione obtenta", il fait sa profession temporaire
le 27/02/1947, à Pau.
Dès le lendemain, 28/02/1947, il arrive à Béziers pour
y faire sa philosophie scolastique. Il n'y reste pas longtemps : quelques mois
plus tard, ses poumons sont atteints, et il doit être envoyé en
sanatorium. Commence alors pour lui une longue période d'épreuve
de santé; qui durera près de cinq ans, jusqu'en 1952.
Tout commence, semble-t-il, durant les vacances de l'été 1947,
pendant le séjour des étudiants de Béziers à La
Couvertoirade, ancienne commanderie templière de l'Aveyron, dans l'arrondissement
de Millau. Le 30 juillet, il doit être évacué en urgence,
et ramené momentanément à Béziers, où les
médecins diagnostiquent "une cortico-pleurite" (chroniques
du Scolasticat, 1946-1950, f 58 recto). Il est alors envoyé eu Sanatorium
d'Arrens, près d'Argelès-Gazost, dans les Hautes-Pyrénées;
il y vivra presque quatre ans, se soignant "patiemment", alternant
opérations chirurgicales et améliorations momentanées,
rechutes et convalescences. Il profite parfois de "permissions de sortie"
pour passer quelques jours à Pau, ou à Toulouse (il y renouvelle
ses vœux simples en février 1950). Sa santé en dents de scie
ne l'empêche pas d'être "très occupé par sa Chorale"
(Notre Lien, n°21juin ? 1950) défaire fonction de "Maître
de chapelle, metteur en scène, bibliothécaire" (Notre Lien.
n°22, août 1950); "Frère douloureux", il n'en participe
pas moins au "travail joyeux des malades d'Arrens pour construire la crèche
monumentale, véritable panorama du Pays Saint" (Notre Lien, n°25,
janvier 1951).
Vers le printemps 1951, il quitte Arrens pour un sanatorium réservé
au clergé, à Thorenc, dans les Alpes-Maritimes (commune d'Andon,
canton de Grasse); c'est là que s'écoule sa dernière année
de maladie. Un séjour à Toulouse lui permet de prononcer ses vœux
solennels,
le 27 février 1951 (Notre Lien. n°27. avril 1951, voir photocopie;
chroniques de Toulouse, 1941-1953, p.l44; et chroniques du Scolasticat de Théologie,
1944-1956, F35-36, 37).
Peu de temps après, il doit affronter une ultime épreuve ("nouvelle
opération à Nice"; Notre Lien, n°28, mai-juin 1951, chronique
de Toulouse). Par la suite, l'amélioration de son état de Santé
lui permet de terminer ses études de philosophie et même d'aborder
la théologie sous la direction d'un Professeur du Sanatorium du Clergé.
(Notre Lien, n°31, octobre-novembre 1951, rubrique Isolés). Sans
oublier un rôle de "critique musical des radio-reportages".
Son "stage de malade" enfin terminé, il regagne Toulouse, le
22/02/1952, pour achever de s'y reposer (Notre Lien, n°33. mars-avril 1952;
chroniques de Toulouse, 1941-1953, p.170)
Au début de l'été 1952, il est à Pau, où il vient "ajouter au Séminaire [franciscain de Théologie] la note de fantaisie et d'humour dont il nous privait depuis de trop longues années" (Notre Lien.. n°34, juin-juillet 1952 chronique de Pau). Il y reçoit la tonsure te 22/12/1952, et les seconds mineurs le 14/03/1954, entretemps, c'est à Brive qu'il reçoit les premiers mineurs, le 28 juin 1953. Il est ordonné sous-diacre à Bayonne le 12/12/1954 (la veille, à Pau, il avait émis la profession de foi et prononcé le serment anti-moderniste, avec le fr. Henri Ormaechea, en présence du fr. Bertrand Duclos, Maître des clercs, délégué), il reçoit le diaconat à Lourdes, le 13/03/1955. Il est ordonné prêtre à Pau, le 10/07/55, avec les frères Edel Berthier (sorti de l'Ordre par la suite), Henri Ormaechea, et Pedro Navarro (de la Province franciscaine espagnole de Carthagène).
Jeune prêtre, il effectue son année de Pastorale à Paris,
de septembre 1956 à l'été 1957; résidant au couvent
de la rue Marie-Rosé, il est affecté en stage à la paroisse
de Marly-le-Roi (78 Yvelines). Aussitôt après (août 1957),
il est envoyé à Bordeaux, affecté à la Procure des
Missions. Par la suite, il y deviendra également aumônier des étudiants
antillais (août 1960), et membre de l'équipe de la revue Frères
du Monde (1969). En 1972, après avoir subi deux interventions chirurgicales
nécessitées par une grave maladie intestinale mettant ses jours
en danger, il devient auxiliaire à mi-temps de la paroisse franciscaine
bordelaise Notre-Dame des Anges, et vice-commissaire (par la suite, commissaire)
du T.O./Frat.Séc .Plus tard, il intègre en outre l'Hospitalité
Franciscaine de Lourdes.
Durant l'été 1993, après 36 ans de présence, il
quitte Bordeaux, et intègre il Fraternité de Pau, dans laquelle
il passera dix ans. Il y assure une aumônerie d'd'établissement
hospotalier, participe à un groupe des Equipes Enseignantes; il demeure
aussi, pour quelques années encore, assistant de l'Hospitalité
de Lourdes, jusqu'à la sérieuse détérioration de
sa santé, nécessitant, à partir de décembre 1997,
une assistance respiratoire permanente (par liaison à un "concentrateur
d'oxygène").
Lors de la fermeture de la maison de Pau, en juillet 2003, fr. Jean-Paul est
accueilli par la Fraternité de Toulouse, dont il va partager la vie durant
plus d'un an et demi, assurant fréquemment la célébration
eucharistique de 18 h 15, effectuant de longues permanences à la porterie
pour l'accueil des visiteurs et la réception des communications téléphoniques,
sans oublier la formation musivale d'une équipe de postulants.
En 1989 |
En 1985 |
Le 3 mars 2005, il est admis à la Maison de retraite Sainte-Elisabeth
de Saint-Palais, tenue par les Sœurs Franciscaines.Il
a rejoint la maison du Père, le 3 mars 2006.
SEIGNEUR, j'ai entendu des gens « bien » dire des tas de choses,
avec des phrases bien construites et des mots pesés juste ce qu'il fallait,
pour ne faire de peine à personne — du moins c'est ce qu'ils croyaient
—
des gens « bien » pour qui ton Evangile a pour sûr une grande
valeur, mais sans doute pas la même signification que pour d'autres comme
moi...
alors ça m'a fait réfléchir.
Et je me suis dit que ton Evangile, dans le fond, ils ne l'avaient jamais entendu
qu'à travers de très pieux commentaires, très spirituels
mais un peu fades.
Ton Evangile : du vin nouveau dans lequel on aurait mis beaucoup d'eau sucrée;
alors quand par hasard il leur arrive de l'entendre à l'état un
peu pur, à l'état brut, ça racle un peu le gosier, et les
oreilles et le cœur :
« Ce qu'il dit là est trop fort. Qui peut l'écouter? »
(Jean 6/60.)
J'ai entendu encore des jeunes, pleins d'ardeur,
assoiffés de vraie vie, venir boire ta parole, ouvrir ton livre, sans
vouloir s'embarrasser des commentaires du genre « tisane »,
Et ils étaient tout prêts à t'écouter — tu
l'as déjà dit, « le vin nouveau c'est fait pour des outres
neuves » —
mais je les ai entendu quand même par moment ronchonner en branlant la
tête : Bouh ! l'Evangile... oui mais !...
Un peu comme le jeune homme sur qui tu fixas ton regard, et tu l'aimas,
« maïs lui... s'assombrit et s'en alla contristé car il avait
de grands biens. » (Marc 10/17-22.)
Alors, j'ai ouvert de nouveau ton Evangile, j'ai
relu les pages non seulement pleines de tes paroles, mais illuminées
et vivifiées par ta présence — n'es-tu pas toi-même
la Parole, le Mot. le Verbe de Dieu fait homme ?
Seigneur, c'est vrai que, vu du côté de l'homme, ce que tu dis
là est trop fort !
Comme la Lumière, surgissant dans la nuit, réveille et fait cligner
les yeux — ou bien elle fait voir la poussière et la crasse que
l'obscurité camoufle.
C'est gênant,
« Les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière,
parce que leurs œuvres étaient mauvaises. » (Jean 3/19.)
Ton Evangile est bien comme toi, « Jésus-Christ
crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens »,
{1 Co.1,23)
trop fort, scandale pour les uns, folie pour les autres,
« Là, vous venez d'entendre le blasphème...
I! mérite la mort ! Qu'il descende maintenant de la croix et nous croirons
en lui! » (Matthieu 26/65-66, 27/42.)
« A ces mots de résurrection les uns se moquaient, les autres disaient
: Nous t'entendrons là-dessus une, autre, fois ! » (Actes 17/32.)
« Ces propos leur semblèrent par radotage... » (Luc 24/1
1.)
Oui, ton Evangile est aussi scandale ou folie pour les hommes — peut-être
bien un peu pour moi...
Enfin quoi ! ces fameuses béatitudes, doublées de malédictions
:
« Heureux, vous les pauvres; Malheur à vous, riches ! »
Est-ce que tu parles sérieusement, Seigneur ? « Heureux les doux...
»
en attendant, il reste bien que, même dans nos très chers et vieux
pays chrétiens, « la raison du plus fort... »
« Heureux les artisans de paix... »
Ouais ! Qu'ils nous la... laissent d'abord, la paix, les autres ! Et puis, on
ne peut pas empêcher qu'il y ait des guerres !
« Heureux les affamés et les assoiffés de Justice... »
Non mais, tu y penses pour de vrai, Seigneur ? Alors qu'on nous apprend plutôt
à « se débrouiller » et puis « laisser courir
» !
« Malheur à vous quand on dira toute sorte de bien à votre
sujet... » (Matthieu 5/3-12, Luc 6/20-26.)
Là, ça dépasse les bornes. Est-ce qu'il ne faut pas être
content et fier d'une bonne réputation? Cela fait quand même du
bien d'être félicité de temps en temps !
Et si tu en restais à ces déclarations
un peu en forme de souhaits ! mais tu vas plus loin; tu commandes ! Oh ! en
prenant des précautions, bien sûr : tu n'es rien venu abolir de
la Loi ancienne, mais tout accomplir et parfaire. (Matthieu 5/17.)
Dis, Seigneur, elfe n'était déjà pas toujours commode,
cette Loi; et voilà que toi, tu en rajoutes !
Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens... moi, je vous
dis... (Matthieu 5-7.)
Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Dites
du bien de ceux qui disent du mal de vous. Priez pour ceux qui vous maltraitent...
Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien atteindre en retour.
(Luc 6/27-38.}
Eh là ! doucement. C'est de la folie, c'est contre nature !
Non, décidément tu vas un peu loin, Seigneur ! Et ça transparaît
presque à chaque ligne de ton Evangile, il n'y a plus moyen de vivre
tranquille.
Ton histoire du « bon Samaritain », où tu éreintes
les corps constitués, le prêtre, le lévite, pour approuver
ensuite cette espèce d'hérétique, cet étranger,
ce métèque, le Samaritain (Luc 10/27-37);
et ton attitude chez ce pharisien — un homme bien comme il faut —
qui t'avait invité à sa table : tu es sévère avec
lui et tu pardonnes à cette femme de mœurs plutôt douteuses
qui te parfume les pieds ! (Luc 7/36-50.)
Scandale ou folie, oui, pour les « sages et les prudents » —
mais c'est aux petits que le Père révèle ses secrets. (Matthieu
11/25-27.)
Scandale ou folie, mais « ce qui est élevé aux yeux des
hommes est objet de dégoût aux yeux de Dieu ». (Luc 16/15}-
Scandale ou folie — c'est trop difficile ! « Ce qui est impossible
pour l'homme est possible pour Dieu. » (Luc 18/24-27.)
Seigneur j'ai relu et relu ton Evangile et j'ai entendu encore de très
braves gens,
et parfois, devant leur gentillesse et leur bonne volonté, je me sentais
désarmé et pour un peu j'aurais dit avec eux : « Tu y vas
un peu fort ! »
et puis malgré moi, je t'entendais me demander tout de suite après,
comme aux douze le jour où justement tu avais parlé « un
peu fort » — et nombre de tes disciples se retirèrent et
cessèrent de t'accompagner —
« Voulez-vous partir, vaux aussi ?
-— Seigneur à qui irions-non s, tu. as les paroles de, lu vie éternelle
! » {Jean 6/66-68.)
et j'ajoute bien vite avec ce brave homme à qui tu allais guérir
son enfant : « je croîs ! Viens en aide à mon peu de foi
! » (Marc 9/24.)
Oui, Seigneur, c'est trop loin, et tu vas jusqu'au bout, et nous n'y comprenons
rien, pas plus quand tu annonces ta passion et ta mort et ta résurrection
que lorsque tu te laisses prendre à Gethsémanni : « et l'abandonnant,
ils s'enfuirent tous. » (Luc 18/34, Marc 14/50.)
J'ai relu, j'ai entendu...
Ouvre-moi, ouvre-nous le cœur et l'esprit à « l'intelligence des Ecritures », comme aux deux disciples qui eurent un moment les yeux bouchés — et puis ils te reconnurent — mais déjà tu leur avais rendu le cœur tout brûlant (Luc 24/13-35.)
Fais-nous comprendre et encaisser ton Evangile.
II est trop fort pour nos vieilles outres humaines, c'est certain, mais n'es-tu
pas « le Seigneur » ?
Tout pouvoir t'a été donné au ciel et sur la terre,
Garde-nous fidèles — malgré tout ce que je pourrai encore
entendre du genre « ce qu'il dit là est trop fort » —
garde-nous fidèles à ton commandement final :
« Allez, de tontes les nations faites des disciples, les baptisant...
et leur apprenant à observer tout ce que je nous ai prescrit. ».
(Matthieu 28/16-20.)
Toi qui es « avec nous pour toujours, jusqu'à la fin du inonde
».
Fr. JEAN-PAUL, ofm.