Une présence de Visitation à l’autre croyant
Depuis le père Charles de Foucauld, nombreux sont les hommes et les
femmes présents en terre d’Islam - et plus largement vivant en
situation de minorité religieuse - qui ont pris comme modèle de
vie la rencontre de Marie et d’Elisabeth présentée au chapitre
premier de l’évangile selon saint Luc (Lc 1, 39-56). On retrouve
ce choix notamment sous la plume de Christian de Chergé, prieur de Tibhirine,
assassiné en 1996 avec six de ses frères. Ci-dessous un petite
texte, fruit de l’expérience de vie d’une communauté
franciscaine en terre d’Islam, ou comment elle entend vivre la rencontre
au quotidien dans cette spiritualité de la Visitation.
Frères et priants, nous nous sentons appelés et envoyés pour vivre la RENCONTRE, plus particulièrement dans l’esprit de l’évangile de la Visitation.
- Comme Marie, nous nous mettons en route rapidement poussés
par l’Esprit. Ce rythme des rencontres et des appels fait partie
intégrante de notre vie, de ce détachement quotidien que nous
demande le Seigneur par rapport à nos projets personnels et à
notre volonté propre.
- Comme Elisabeth, nous sommes tout surpris des visites qui nous sont
faites, mais nous croyons que c’est Dieu qui frappe à la porte
et qu’Il nous appelle à Le rencontrer chaque jour dans une liberté
plus grande. Il y a là pour nous un appel à nous laisser rejoindre
par tous, par les voisins du quartier, par les plus pauvres, par tous ceux qui
cherchent un lieu de parole libre ou encore par nos hôtes plus lointains.
A nous de pouvoir accueillir simplement chacun tel qu’il est et sur le
chemin que le Père souhaite pour lui.
- Comme Marie et Elisabeth, nous croyons intimement que les fruits de
ces rencontres nous dépassent totalement et nous dépasseront toujours.
Ils sont de l’ordre du compagnonnage spirituel et humain, de cette «
conversation spirituelle sur le chemin » à laquelle nous invite
François, chacun stimulant l’autre sur son chemin de vie en Dieu.
- Comme Marie et comme ces deux enfants dans le sein de leur mère,
nous nous savons également hôtes de nos frères marocains
et « soumis à eux à cause de Dieu » (Rnb 16). Le rempart
linguistique en est le signe le plus patent. Nous voulons vivre cette réalité
comme chemin de minorité parmi eux, nous laissant accueillir et s’il
le faut rejeter.
- Comme Elisabeth et sa famille, nous voulons également partager
avec ceux qui nous entourent ce dont nous disposons, sachant que nous
tenons à conserver dans ce cadre le statut d’une famille du quartier
parmi d’autres faisant preuve de cette solidarité si ancrée
dans la société musulmane, sans tomber dans l’assistanat.
La présence aux plus petits et la réponse à leurs appels
nous apparaissent comme une priorité à chérir.
- Comme Marie et son enfant enfin, nous voulons demeurer, c’est-à-dire
vivre avec ce peuple qui nous entoure, acceptant une vie simple et une proximité
au quotidien qui nous séparent le moins possible de nos voisins immédiats.
- Comme Marie au bout de quelques mois, nous nous savons également
envoyés à d’autres qui, vivant au Maroc ou ailleurs,
peuvent à juste titre revendiquer le droit de vivre du souffle qui nous
est donné dans ce lieu si particulier. C’est tout le sens de la
communion étroite vécue au niveau de l’église locale
et des rapports entretenus avec nos Provinces d’origine et l’Ordre
en général. Nous ne saurions être là pour nous-mêmes.