Rencontre-débat du 15 juin 2006 avec François Vergès.
Et si nous nous aidions à dévenir des consommateurs responsables?
Nous étions
une bonne vingtaine en ce jeudi soir pour écouter François Vergès
nous partager ce qu’il vit depuis quelques années avec sa famille
de trois enfants dans la banlieue de Toulouse et, surtout, pour échanger
des réflexions, des propositions concrètes mises en place ici
et là… en un mot, pour nous aider à avancer ensemble sur
cette question de la consommation si simple de prime abord (« Achetez,
achetez ! » nous dit la société), mais aux répercussions
si nombreuses pour qui veut vivre en accord avec sa vision de l’homme
et du monde.
Mais laissons la parole à François… et à ce qu’il
vit avec les siens. Une énumération à la Prévert
sans doute, mais où chacun pourra puiser des idées et des questions…
1- Consommer de manière plus responsable,
c’est d’abord CONSOMMER MOINS :
- Oser demander à ses voisins : Quand on emménage on a besoin
d’une table à tapisser. Faire le choix d’aller la demander
à ses voisins, c’est à la fois économique et créateur
de liens. Dans le même ordre d’idées, on voit se développer
dans certains immeubles des prêts de livres entre voisins.
- Refuser la publicité : Un simple autocollant « Stop la pub !
» sur la boîte aux lettres, c’est autant de papier économisé
et de tentations en moins. Ceci risque de faire disparaître des emplois
(ceux des personnes qui déposent les publicités) ! Mais une consommation
plus équitable (cf supra) ne serait-elle pas plus créatrice d’emplois
?
Refuser la publicité, c’est également l’objectif du
Comité des déboulonneurs d’affiches qui devrait bientôt
étendre son activité sur Toulouse.
- Prendre le temps : Refuser de répondre dans l’immédiateté
à nos désirs permet de les épurer. D’où le
choix notamment de se meubler à partir des encombrants, ou en recourrant
à Emmaüs et aux vide-greniers, en fonction de ce qui est proposé
et du besoin réel.
Quelques moyens simples donc pour sortir de la logique du « toujours plus » et nous ramener à la véritable question : que nous faut-il pour subvenir à nos besoins sans superflu ?
2- C’est ensuite CONSOMMER AUTREMENT :
- Le commerce équitable : L’objectif du commerce équitable
est de redonner une dignité à la fois au producteur (en lui permettant
de vendre et de choisir ses clients) et au consommateur (en faisant de lui un
acteur de son acte de consommation). Il existe deux types de commerce équitable
: dans des commerces spécialisés (Sel, Artisan du Monde…)
et dans la grande distribution (label Max Havelaar notamment). Une limite cependant
de ce second dispositif : l’objectif fixé consiste à aider
les seuls pays du sud à nous rejoindre. La tendance est donc à
l’accroissement des volumes de production à la demande des petits
producteurs, le risque étant de rendre ces producteurs totalement dépendants
d’un acheteur qui pourra alors fixer les prix à sa guise. On voit
ainsi des grandes enseignes prêtes à lancer des labels équitables.
La vente en grande surface sur label est donc un moyen efficace de sensibilisation,
mais qui aura tôt ou tard ses limites.
- Sommes-nous contraints aux produits tout préparés
?
o faire ses yaourts à la cocotte-minute, c’est à la fois
plus économique et moins problématique en terme de stockage,
o faire son pain chez soi,
o faire son jardin (en acceptant de suivre le rythme des saisons pour ses légumes,
ce que nous avons eu tendance à oublier),
o éviter les plats cuisinés et leurs emballages.
- L’eau :
o un récupérateur d’eau sur le toit de la maison,
o des gestes simples comme la récupération de l’eau de nettoyage
des légumes pour arroser le jardin.
- Déplacements :
o privilégier le vélo,
o limiter les trajets pour les vacances,
o même pour une sortie dominicale, préférer ce qui est atteignable
à pied ou en vélo.
- Energie :
o des panneaux solaires sur le toit (pour tout renseignement, consultez l’ADEME,
sachant qu’il faut compter sur 1 m² de panneau par personne), donnant
une autonomie pendant 6 à 8 mois sur Toulouse,
o un poêle à bois « de masse », avec une flambée
le matin et une le soir, le poêle restituant la chaleur à travers
les murs pendant la journée autour de 17-18°C,
o acheter son électricité dans le cadre de la libéralisation
du marché (1er janvier 2007) auprès d’Enercoop, un collectif
regroupant des petits producteurs d’électricité utilisant
des sources d’énergie renouvelables (accessible directement sur
le réseau EDF).
- Banque :
o plusieurs types de placements éthiques ou de partage existent. Le plupart
se contentent cependant de placer l’argent dans des entreprises porteuses
(et pas nécessairement plus équitables ou respectueuses de l’environnement
que les autres), puis de reverser une part des dividendes à une association
de votre choix. Intérêt donc relativement faible !
o le capital risque permet quant à lui, en bloquant des sommes sur plusieurs
années et quasiment sans intérêt, de soutenir des créations
d’entreprise dans le domaine de l’économie solidaire (cf
. Initiative pour une Economie Solidaire [iés] à Toulouse, 05-61-75-12-97,
www.ies.coop).
o La Nef (Nouvelle économie Fraternelle), tout en n’étant
pas une banque propose en lien avec le Crédit Coopératif tous
les services d’une banque (notamment un compte-chèque). Le suivi
clientèle est excellent, les intérêts dans la moyenne et
l’argent placé est utilisé pour des créations d’entreprise
dans un domaine de notre choix. En outre le rapport d’activité
annuel permet clairement de voir où va l’argent.
3- C’est aussi CONSOMMER POUR PLUS DE RELATIONS
:
- Faire le choix de ne plus aller qu’une fois par mois en grande surface
et pour certains produits seulement,
- Faire le marché et recourir aux petits commerces de proximité.
- Privilégier les magasins de producteurs (vente directe), et donc les
produits locaux même aux produits équitables venant d’autres
pays.
- Entrer dans une Amap (ils s’agit de groupes de consommateurs qui s’engagent
à acheter les produits d’un producteur pendant une année),
ou des structures proches comme les « jardins de cocagne » (ou le
jardin du GAF sur Toulouse). On entre alors dans une véritable relation
avec le producteur et on en revient aux fruits et légumes de saison (un
vrai choix de consommation donc). Pour une personne seule, il y a même
la possibilité de partager son panier avec des voisins… et donc
de créer du lien de surcroît !
4- Changer sa consommation est-ce si difficile ?
- Cela demande certains renoncements : les fruits hors saison, un bon bain,
une voiture toujours étincelante…
- Ce n’est pas plus cher à qualité égale, mais les
produits sont rarement de bas de gamme.
- C’est en temps que ces pratiques sont les plus coûteuses !
5- Conclusion : vers un autre modèle de société…
- De questions en questions, de rencontres en rencontres, on en vient à
découvrir d’autres manières de devenir acteurs dans (et
par) les gestes les plus simples de la vie quotidienne, d’être plus
cohérents avec ce que nous portons comme chrétiens (cf. «
Notre mode de vie est-il durable ? Nouvel horizon de la responsabilité
» Justice et Paix – France [Karthala, 2005]).
- La question de fond reste celle-ci : quelle société construisons-nous
en cherchant à acheter toujours moins cher avec toujours davantage de
sécurité et sans contact humain ?… La planète ne
saurait subvenir à notre boulimie de consommation. A quand le choix d’une
« décroissance conviviale », avec moins de consommation mais
plus de relations ?
- Restons en éveil et en chemin ! Partageons nos expériences et
nos petits trucs. Continuons à nous interroger ensemble ! (à connaître
: le salon « Biocybèle » chaque année dans le Tarn
: un bon lieu d’information et de partages d’expériences
novatrices). Ces éléments sont valables dans une maison individuelle,
mais comment les adapter en appartement loué ?
A chacun maintenant d’avancer de son côté dans la réflexion et dans les expériences. Nous nous retrouverons sans doute à l’automne pour continuer le partage et le questionnement sur nos attitudes de consommation et de vie.
Fr Stéphane