La Communauté de MondoX: témoignage du Fr. David.
Un
été bien « encadré » avec le Padre
Eligio, ofm
fondateur des communautés Mondo X
En ce début de vacances universitaires, le train démarre lentement et quitte le quai de la ville rose : Me voici enfin parti pour la Toscane, après une brève halte dans la ville de François. Fini les examens, les devoirs écrits de théologie, saint Thomas d’Aquin ! Des ailes me poussent et mon cœur s’élance plein d allégresse et de reconnaissance vers l’Italie. Après 23 h de voyage, j’arrive à Chiusi, petite bourgade proche du lac Trasimène. Le responsable de la communauté Mondo X, fondée par le Padre Eligio en 1965, m’accueille avec respect. Me voici désormais en terre franciscaine, sur les pas de François lorsque, quelques temps après sa conversion, il fonda cette communauté en 1212. qui eut par la suite comme gardien le frère Eugide.
Après une brève visite du couvent, un des plus beaux de tout l’Ordre, entièrement rénové par des anciens jeunes toxicomanes dépendants qui vivent ici après leur phase de sevrage médicamenteuse, je rencontre pour la première fois la communauté Mondo X : 18 jeunes garçons et 6 jeunes filles de 18 à 30 ans, s’engagent à demeurer en retrait total, pour trois ans. La charte du Padre Eligio leur impose 10 heures de travail manuel minimum par jour, l’obligation de prier l’office matin et soir ainsi qu’une Eucharistie hebdomadaire. Coté discipline, aucun contact avec l’extérieur, hormis les parents seuls, avec une visite tous les 9 mois. Ils vivent bien évidemment, sans alcool, café, journaux, télévision, musiques, postes de radio ou MP 3, internet. A la suite de ces trois années écoulées, ils peuvent envisager un retour pour une semaine puis revenir à Cetone ou bien retourner dans le monde s’ils sont prêts à l’affronter de nouveau. Bien entendu, à tout moment ils ont la possibilité de quitter la communauté, mais dans ce cas ne peuvent plus la réintégrer. Un tiers parviendra au terme de l’expérience, les autres retomberont hélas dans la drogue dure, les trafics mafieux, la prison, la prostitution, certains mouront du SIDA ou d'une hépatite, d’autres iront jusqu’au suicide…
Le responsable me demande donc :
-« Veux tu vivre l’expérience ? »
-« Oui dis-je », pendant déjà aux terrasses
d’oliviers qui pourraient m’accueillir pour réviser au calme
et au frais mon italien, avec un bon bouquin de saint Augustin
-« Acceptes tu d’être comme eux, sans privilège
durant ton séjour ? »
-« Oui » dis-je intrigué, ne comprenant pas grand
chose à ladite « expérience »
-« Alors, c’est d’accord, on y va »
Deux gars bien costauds alors me prennent mes affaires et me conduisent à travers un sentier sinueux, dans une petite cabane en dure où j’ai pu retrouver la proximité des origines de l’Ordre !. Désormais, me voici dans un dortoir de 5, avec interdiction de rester seul, y compris pour me rendre aux toilettes. Comme pour les autres, il m’était interdit de m’asseoir de la journée. Cette démarche un peu rigide a pour effet d’éviter tout risque de suicide ou de compensation. La faiblesse ici n’est pas ou peu tolérée. Seul compte l’effort, la stimulation de la volonté pour ne plus penser à rien, défouler son corps par un travail fastidieux. Ils doivent en effet pour cela entretenir 10 hectares de jardin toscan ainsi qu’un restaurant gastronomique réputé.. Sous 41°à l’ombre, sans sieste bien sur, me voilà immédiatement à quatre pattes dans les rosiers à enlever à la main seule toutes les pétales brûlées par le soleil, et à arroser 100 pieds avec un petit arrosoir, histoire de me donner goût au « travail »
Finalement, au bout de quelques jours, je me suis aperçu que même si je ne suis pas « toxico dépendant », je suis bien en manque de mon confort, de ma liberté, de ma vie étudiante, d’un bon verre de Cahors et d’une bonne cuisse de canard ! Ce fut réellement une grâce que de toucher, à mon niveau, toutes mes limites qui entravent mes relations saines, avec les jeunes de la communauté, avec moi-même, avec mon Seigneur et mon Dieu !.En ressentant ainsi tous mes manques, j’ai pu goûter, grâce à cette « expérience » combien le choix que j’ai posé de vivre mes trois vœux me rend libre, alors qu’eux, les vivant de force, les subissent. Il est parfois nécessaire de toucher et de descendre dans ce qu’il y a de plus rugueux en soi pour finalement mieux apprécier le quotidien et se décentrer de son petit « moi » narcissique ; de cesser de râler pour un rien et d’apprécier le quotidien tel qu’il se présente, avec ces joies et ces peines. Ceux-ci resteront toujours de toute façon loin du drame que ces jeunes vivent après des années passées dans l’héroïne, la cocaïne et la prostitution. Nos soucis de religieux ne sont que des pacotilles à coté de leurs vies brisées…
A présent, je remercie le Seigneur et mon frère formateur (il se reconnaîtra) de m’avoir conduit sur ce chemin aride et réellement difficile. Car il est fondamental de se laisser déplacer et surprendre, en quittant nos habitudes, pour se laisser rejoindre par celles des autres, celles de nos frères en humanité...
A qui le tour désormais ?
Frère David
Vern
Toulouse